Saprobionte
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Saprobionte emprunte son nom à un champignon lignicole, affirmant immédiatement l’intérêt de l’artiste pour le monde naturel. Désignant des organismes végétaux, animaux, fongiques ou bactériens qui transforment la matière organique en décomposition en minéraux, ce terme est à la fois évocateur d’un inévitable renouvellement de notre environnement et d’une interdépendance essentielle entre les différents organismes vivants, tout en questionnant la position anthropocentrique.
L’artiste s’empare de ce phénomène naturel et en propose une vision séduisante et étonnante, sous la forme d’un carottage cubique d’1m3. Partant du champignon et de son mycélium – ses filaments souvent invisibles et souterrains qui créent un véritable réseau neurologique de la nature, appelé également le Wood Wide Web – elle traduit sous forme plastique cette interconnexion indispensable, fondement du vivant.
La crise sanitaire et les différentes phases de confinement ont eu un impact fort sur le travail Barbara Schroeder, suscitant un besoin de légèreté, d’insouciance, de couleur. Ses tons habituellement très terreux et en écho à un certain expressionnisme allemand laissent ici la place à un vert fluo, quasi phosphorescent. Ce vert capte la lumière, invite à sortir de l’obscurité et à renouer avec le vivant. Au croisement de l’art et de la science et en s’entourant de l’expertise d’éminents scientifiques travaillant au niveau international, Barbara Schroeder propose ici une œuvre poétique et politique. Il n’est pas seulement question de visualiser un organisme vivant habituellement invisible à très grande échelle ; il s’agit avant tout de parler de communauté, d’une communauté bienveillante qui propose une reconnexion positive au monde. Cette armature en métal accueillant le réseau de silicone coloré symbolise le lien social – un élément qui a tant manqué en cette période incertaine – et renforce les notions de communication et d’intelligence partagées. C’est somme toute avec un optimisme non dissimulé que l’artiste produit une œuvre affirmant son plus profond respect pour le monde agricole et plus largement, la sphère du vivant. Le travail de Barbara Schroeder résonne ainsi avec détermination et justesse dans un monde globalisé et effréné, nous invitant à ralentir, à prendre le temps et à faire l’expérience de la contemplation. Selon ses propres mots : « chaque tableau est le paysage d’un instant ».
Alice Cavender, décembre 2021
Responsable des expositions au Capc Musée d’art contemporain de Bordeaux