Éphé#mer
L’eau, comme le feu, l’air et la terre, est un élément omniprésent dans mon univers. A la fois source de vie, d’énergie, symbole riche de significations, l’eau joue de ses multiples visages pour être tour à tour douce, salée, fraîche, jaillissante, stagnante, déchaînée, sombre. Si elle apparaît calme, limpide et cristalline, contenue (jadis) dans mes coquilles d’huîtres en porcelaine, elle apparaît comme violente, effrayante, terrible, douée de pouvoir destructeur lorsque la mer déchaîne ses flots au pied de mes pommes de terre en porcelaine.
Dans le prochain projet d’installation EPHE#MER, que je suis en train de développer des huitres en porcelaine viendront jouer le même rôle que les pommes de terre dans la performance MEERES#ARM, à égale distance de l’intimité et de l’universalité de la condition humaine : servir à la fois d’illustrations, de contrepoids et de remèdes à la destinée, et ce, sur un mode d’être tenant à la fois de l’inventaire (ce qui est, la nature), de l’enchantement (ce qui exalte, le plaisir), de la thérapie (ce qui sauve, la bénédiction). Car l’huître présence vitale, rappelle la forme d’un bénitier. Évocation, en creux, à une humanité friable, à la fragilité de nos convictions, de nos croyances et de nos valeurs.
Magie de l’eau combinée au feu de la porcelaine et à la terre du kaolin dans un rituel sacré qui porte le spectateur au-delà du spectacle et de la curiosité. Dans l’argent des porcelaines il retrouve son reflet tel Narcisse le visant à s’immerger dans l’œuvre pour y trouver sa place, et dans une dimension plus spirituelle, pour questionner sa place dans le monde. Par le reflet singulier, qu’elle renvoie à celui qui s’y contemple, l’huître par sa coquille miroir apporte une nouvelle vision du soi, voire plusieurs nouvelles visions du soi en fonction du sens d’observation de la coquille.
Traversant les époques et les civilisations avec évidence et simplicité, la coquille nacrée reste fragile, en danger, possiblement « éphémère » dans un écosystème terriblement menacé par l’acidification des océans. Dans l’installation présentée, sur une nappe de sel, l’eau qui fut jadis autour et dans la coquille n’est plus, et son absence doit nous permettre de nous interroger.
L’huître représente ainsi l’écrin d’une nature précieuse dont on doit prendre soin et dont l’art se doit d’être l’un des messagers.
BS Notes Novembre 2020